Et si la goutte n’était pas simplement liée à votre alimentation ou à l’alcool ? Une nouvelle étude remet en cause des décennies d’idées reçues. On vous explique.
Une maladie mal comprise… et trop souvent stigmatisée
La goutte est une maladie inflammatoire chronique causée par un excès d’acide urique dans le sang (hyperuricémie). Cet excès forme des cristaux qui se déposent dans les articulations, déclenchant des douleurs aiguës, rouges et enflées — souvent au niveau du gros orteil, mais aussi dans les chevilles, les genoux ou les poignets.
Pendant longtemps, la goutte a été associée à l’image du « bon vivant » : excès de viande rouge, de vin rouge, de sauces riches. Aujourd’hui encore, la goutte souffre de nombreux préjugés. On la croit à tort réservée aux personnes âgées, en surpoids, ou au mode de vie déséquilibré.
En réalité, cette image est fausse et réductrice. C’est avant tout une véritable maladie chronique, qui peut toucher n’importe qui, y compris des personnes jeunes, sportives ou ayant une hygiène de vie irréprochable.
En France, on estime que près de 600 000 personnes vivent avec la goutte. À l’échelle mondiale, plus de 50 millions de patients sont concernés, un chiffre en constante progression selon l’Organisation mondiale de la santé.
Mais un tournant majeur a été franchi récemment. En 2024, une vaste étude génétique menée par l’université d’Otago, en Nouvelle-Zélande, a remis en question les idées reçues sur la goutte.
Non, cette maladie n’est pas seulement la conséquence d’excès alimentaires. On fait le point sur ce que la science révèle vraiment.
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La génétique, moteur principal selon les chercheurs
Des chercheurs de l’université d’Otago (Nouvelle-Zélande), en collaboration avec plusieurs instituts internationaux, ont analysé les données de 2,6 millions de personnes, dont 120 000 atteintes de goutte.
Résultat : l’alimentation ne serait pas le principal facteur. C’est l’hérédité qui joue le rôle central.
Les scientifiques ont mis en évidence 377 régions du génome associées à un risque accru de goutte – dont 196 totalement nouvelles. Certaines variations impactent directement la capacité des reins à éliminer l’acide urique, favorisant ainsi son accumulation dans le sang.
En d’autres termes : certaines personnes sont naturellement prédisposées à développer la goutte, même avec une alimentation équilibrée.
Le professeur Tony Merriman, qui a dirigé les travaux, le résume ainsi :
“Il est temps d’arrêter de blâmer les patients pour leur maladie. Ce n’est pas leur mode de vie qui provoque la goutte, mais leur génétique.”
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Pourquoi cette découverte change tout pour les patients
Jusqu’à aujourd’hui, les personnes atteintes de goutte étaient souvent stigmatisées, accusées de “mal manger”. Or, ce message culpabilisant peut décourager les patients de se faire diagnostiquer ou de suivre un traitement adapté.
Grâce à cette nouvelle compréhension génétique, la prise en charge devient plus juste, plus ciblée et moins stigmatisante. Un dépistage précoce pourrait être proposé aux personnes à risque, notamment en cas d’antécédents familiaux.
Les traitements pourraient aussi évoluer pour agir sur les véritables mécanismes biologiques en cause, comme l’élimination rénale de l’acide urique.
Surtout, ce changement de regard contribue à briser les préjugés : la goutte n’est pas une faute personnelle, mais une maladie inflammatoire souvent liée à l’hérédité.
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Et l’alimentation dans tout ça ? Faut-il changer ses habitudes ?
Oui, mais pas comme on le croit. L’alimentation joue un rôle secondaire — elle peut aggraver une tendance génétique déjà présente, mais rarement déclencher la maladie seule.
Certaines habitudes alimentaires restent toutefois importantes à surveiller. Parmi les aliments à limiter, on retrouve :
- les viandes rouges et abats (riches en purines) ;
- les crustacés et certains poissons gras ;
- les sodas sucrés (notamment ceux au sirop de maïs) ;
- l’alcool, surtout la bière.
À l’inverse, quelques aliments et boissons peuvent aider à réduire l’acide urique :
- les produits laitiers allégés, qui favorisent l’élimination urinaire ;
- les cerises, myrtilles et la vitamine C, qui ont des propriétés anti-inflammatoires ;
- le café, consommé modérément ;
- et bien sûr, l’eau, à boire en grande quantité pour éviter la cristallisation de l’acide urique.
Cependant, pour les personnes présentant une prédisposition génétique, ces ajustements ne suffisent pas. Dans ces cas, un traitement médicamenteux est souvent nécessaire, comme l’allopurinol ou le fébuxostat, afin de maintenir un taux d’acide urique stable à long terme.
En bref : adopter une alimentation équilibrée peut réduire les crises, mais ne remplace pas un suivi médical adapté, surtout chez les patients à risque.
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Une maladie en forte progression dans le monde
Souvent perçue comme une pathologie du passé, la goutte est en réalité en pleine recrudescence à l’échelle mondiale. Si elle touche environ 0,9 % des adultes en France selon Santé publique France, sa progression dans d’autres régions est bien plus marquée — et parfois alarmante :
- En Polynésie française, la goutte concerne jusqu’à 15 % des adultes, en raison de facteurs génétiques et alimentaires cumulés.
- Aux États-Unis, on estime qu’environ 4 % des adultes en souffrent.
- À l’échelle mondiale, la prévalence varie entre 1 % et 4 %, avec une hausse constante depuis plusieurs décennies.
En seulement 30 ans, l’incidence a doublé voire triplé dans plusieurs pays développés. Selon des études internationales, cette croissance dépasse +60 % sur les 20 dernières années.
Trois raisons principales expliquent cette flambée :
- L’évolution du mode de vie : sédentarité, obésité, alimentation riche en sucre et en viande rouge.
- Un meilleur diagnostic : les crises sont mieux identifiées et les patients plus nombreux à consulter.
- La part génétique : certains groupes ethniques présentent une prédisposition plus marquée à l’hyperuricémie.
Face à cette hausse continue, les experts appellent à renforcer la prévention, mais aussi à changer de discours : il ne s’agit pas d’une “maladie de la malbouffe”, mais d’une affection inflammatoire chronique, parfois favorisée par des facteurs indépendants de la volonté du patient.
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Conclusion : une maladie à prendre au sérieux, sans culpabilité
La goutte n’est pas une “punition” pour les excès alimentaires, mais une maladie inflammatoire chronique à forte composante génétique. Mieux la comprendre permet de mieux la traiter… et de briser les préjugés.
En cas de doute, parlez-en à votre médecin. Un simple dosage de l’acide urique permet d’évaluer votre risque. Et si vous avez des antécédents familiaux, cette nouvelle science peut vous aider à agir plus tôt.
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