Perdre son conjoint est une épreuve émotionnelle dévastatrice. Malheureusement, à cette douleur s’ajoute immédiatement une charge administrative et financière lourde : l’organisation des funérailles.
Face aux coûts élevés des pompes funèbres, une question revient systématiquement chez les conjoints survivants : ai-je le droit d’utiliser l’argent disponible sur le compte bancaire de mon mari pour payer ses obsèques ?
La réponse n’est malheureusement pas si évidente.
Dans cet article, nous détaillons les démarches pour débloquer ces fonds sans passer par un notaire, le fonctionnement des comptes bancaires après un décès, et les dispositifs financiers de protection souvent méconnus.
1. La Règle des 5 910 Euros : Ce que dit la Loi (2025)
C’est la mesure phare à connaître pour éviter d’avancer les frais sur vos fonds propres. La législation française permet aux héritiers de puiser dans les comptes du défunt pour régler les frais funéraires (Code monétaire et financier, article L.312-1-4).
Suite à l’arrêté du 3 décembre 2024 (applicable depuis le 1er janvier 2025), le montant maximum a été revalorisé pour faire face à l’inflation.
Le plafond légal de prélèvement
Vous pouvez désormais demander à la banque de prélever jusqu’à 5 910 euros sur les comptes du défunt pour le paiement des obsèques.
Cette somme peut être utilisée de deux manières :
- Paiement direct : La banque verse la somme directement à l’entreprise de pompes funèbres sur présentation de la facture. C’est la solution la plus simple et la plus recommandée.
- Remboursement : Si vous avez déjà avancé les frais, la banque peut vous rembourser sur présentation de la facture acquittée et d’une preuve de votre qualité d’héritier.
Conditions de solvabilité
⚠️ Attention, ce droit n’est applicable que si le solde des comptes bancaires du défunt est positif. La banque n’a aucune obligation d’accorder un découvert pour financer les funérailles.
S’il n’y a que 2 000 euros sur le compte, la banque ne débloquera que cette somme.
💡 Le saviez-vous ? Ce dispositif s’applique à tous les types de comptes courants et aux comptes d’épargne (Livret A, LDD, etc.) détenus par le défunt.
2. Compte Joint ou Compte Individuel : Quelles différences au décès ?
La gestion de la trésorerie dépend de la nature du compte bancaire. C’est un point critique pour la gestion de la succession.
Le cas du compte individuel (Compte personnel)
Dès que la banque est notifiée du décès (via l’acte de décès), elle procède au blocage du compte bancaire. Plus aucun virement ni prélèvement (factures d’électricité, abonnements) ne peut passer, et les procurations tombent.
Cependant, le paiement des frais d’obsèques est l’exception majeure à ce blocage. Même sur un compte gelé, la banque a l’obligation légale de libérer les fonds pour les funérailles dans la limite du plafond de 5 910 euros.
Le cas du compte joint
Si vous possédiez un compte joint avec votre mari (“Monsieur OU Madame”), la situation est plus souple. Au décès de l’un des conjoints, le compte n’est pas bloqué, sauf opposition formelle des héritiers ou décision judiciaire exceptionnelle.
En l’absence de conflit, le conjoint survivant peut continuer à utiliser ce compte normalement pour la vie courante et pour régler la totalité de la facture des pompes funèbres, sans plafond spécifique imposé par la banque (dans la limite du solde disponible).
Notez bien : l’argent présent sur le compte joint au jour du décès est présumé appartenir pour moitié à la succession. Il faudra donc en rendre compte au moment du règlement de la succession chez le notaire.
3. Les Démarches : Comment demander le déblocage des fonds ?
Pour activer ce paiement par la banque, vous devez agir rapidement. Voici la procédure étape par étape pour sécuriser le financement des obsèques.
Étape 1 : Obtenir les documents nécessaires
Avant de vous rendre à la banque ou de contacter le service succession, rassemblez :
- L’acte de décès original (délivré par la mairie du lieu de décès).
- Votre pièce d’identité et le livret de famille (prouvant votre lien de parenté).
- La facture des obsèques ou le devis accepté émis par l’entreprise funéraire.
Étape 2 : L’ordre de virement
Il est préférable de demander à la banque de payer directement l’entreprise de pompes funèbres. Cela évite des mouvements d’argent complexes sur votre compte personnel qui pourraient être mal interprétés par les autres héritiers potentiels.
Transmettez la facture (RIB de l’entreprise inclus) au conseiller bancaire du défunt avec une demande écrite de prélèvement.
⚠️ Attention aux abus : Comparez avant de signer
Dans l’urgence et le chagrin, il est difficile de garder la tête froide. Pourtant, le marché du funéraire est un secteur commercial comme un autre.
Ne signez pas le premier devis venu. Les écarts de prix pour des prestations identiques peuvent être considérables. Certaines entreprises peuvent exercer une pression commerciale implicite. Prenez le temps de demander 2 ou 3 devis obsèques différents. Même si la banque paie directement, c’est bien l’argent du ménage ou de la succession qui est dépensé. Comparer permet souvent d’économiser entre 500 € et 1 000 €, une somme non négligeable pour la suite.
4. Financement des Obsèques : Les Alternatives au Compte Bancaire
Il arrive que les comptes du défunt soient vides ou insuffisants. Dans ce cas, d’autres dispositifs financiers de protection existent. Il est crucial de vérifier l’existence de ces contrats avant de payer de votre poche.
Le Capital Décès de la Sécurité Sociale (CPAM)
Si votre mari était salarié, artisan ou chômeur indemnisé dans les trois mois précédant son décès, vous avez probablement droit au Capital Décès versé par la Sécurité Sociale.
- Ce montant est forfaitaire : il est d’environ 3 910 € (pour les salariés, montant en vigueur en 2025).
- Il n’est pas automatique : vous devez en faire la demande via le formulaire CERFA dédié ou sur le compte Ameli.
- Cette somme est insaisissable et prioritairement destinée aux frais d’obsèques.
L’Assurance Obsèques
Vérifiez dans les papiers si votre époux avait souscrit un contrat obsèques (ou convention obsèques). Ce type d’assurance garantit le versement d’un capital prévu spécifiquement pour financer les funérailles.
Le bénéficiaire est souvent l’opérateur funéraire directement, ce qui vous dispense de toute avance de frais.
L’Assurance Vie et la Protection Décès
Ne confondez pas assurance obsèques et assurance vie. L’assurance vie est un produit d’épargne dont le déblocage peut prendre plusieurs semaines (le temps de traiter le dossier bénéficiaire).
En revanche, certaines banques incluent une assurance décès ou une “garantie famille” liée à la carte bancaire ou au package compte courant, qui peut verser un capital rapide (souvent entre 1 500 € et 3 000 €) pour les premiers frais. Relisez les conditions générales de sa banque.
Le Prélèvement sur la Succession
Si vous devez payer personnellement car les comptes sont vides, sachez que ces frais sont récupérables. Les frais funéraires sont considérés comme une dette de la succession.
Lors du partage de l’héritage chez le notaire, vous serez remboursé prioritairement sur l’actif successoral (et ces frais sont déductibles des droits de succession jusqu’à 1 500 €).
5. Le rôle du Notaire et des Héritiers
Si le montant global des avoirs bancaires dépasse 5 910 euros (ou 5 000 € selon les banques pour la clôture sans notaire), ou si la situation familiale est complexe (biens immobiliers, testament, enfants mineurs), l’intervention d’un notaire devient obligatoire pour débloquer le reste des comptes.
Pour les petites sommes (hors frais d’obsèques déjà réglés), une simple attestation d’héritier signée par l’ensemble des héritiers peut parfois suffire pour clôturer les comptes et récupérer le solde. C’est une astuce importante pour limiter les frais de dossier succession facturés par les banques, souvent onéreux.
Conclusion : Réagissez vite, mais protégez-vous
En résumé, face au décès de votre mari :
- Oui, vous pouvez faire prélever jusqu’à 5 910 € sur ses comptes pour les obsèques, même si le compte est bloqué.
- Privilégiez le paiement direct par la banque aux pompes funèbres pour simplifier la traçabilité.
- Soyez vigilant sur les tarifs des pompes funèbres et faites jouer la concurrence via des comparatifs d’assurance obsèques.
La gestion de l’après-décès est complexe. En utilisant les fonds disponibles légalement et en vérifiant les aides (CPAM), vous préservez votre propre sécurité financière dans ce moment difficile.